Créations

Il me semble toujours difficile de qualifier ma danse dans la mesure où elle m'est parfois étrangère au sens d'étrange. J'espère, en fait, l'inventer à chaque création ce qui est évidemment une illusion, une utopie.
L'espoir est de créer une émotion par l'écriture même, comme un poème, et que chaque geste soit le fruit d'une nécessité intérieure.

Le désir de créer vient souvent d'une rencontre, d'une projection, d'une profonde relation avec des interprètes, un groupe. Ces rencontres créent des liens et je me permets de me laisser penser et d'imaginer une chorégraphie qui nous unirait.

Comment à partir de ces visions, laisser en dernier recours la parole à l'abstraction et permettre  au public  un regard personnel, en évitant de  lui imposer une histoire préalable.
Les liens possibles sont dans la construction de la chorégraphie.

La phrase chorégraphique possède son sujet, donc elle est liée à des terminologies, des rythmes, et doit produire du sens pour induire un élan, une adhésion.

Est-il nécessaire de comprendre littéralement une danse ? 

La danse est lisible, si le regard se déplace et si on accepte l'imprévisible. Il ne s'agit d'un élan réciproque sur le désir d'être ensemble pour inventer, interroger, imaginer, découvrir, exposer, vibrer et créer cette relation sensible et mystérieuse sur un sommeil porteur de rêves, de folies, de bruissement.



Création 2016 

LE TEMPS TRAVERSÉ
A Micadanses  Faits Maison 
 Article de  jean marie Gourreau 
Voyage au cours du temps 


Chorégraphie et interprétation : Christine Gérard 
Vidéo  et photographies : Isabelle Lévy-LehmannCostume : Catherine Garnier
Musique : Jean-Baptiste Lully « Marche pour la cérémonie des Turcs »
Durée  :  52 minutes

Ce thème Le temps traversé me permet de mettre en œuvre une écriture chorégraphique différente dans laquelle j’explore de nouvelles sources de présence. La collaboration avec Isabelle Lévy-Lehmann, artiste photographe et vidéaste, ouvre un espace où l’imaginaire se trouve confronté à d’autres visages.

Cette traversée n'a pas de destination.  Son pas déterminé conduit la danse vers d’autres lieux, d’autres apparitions et entraîne des déplacements. Elle peut être douce, violente, majestueuse ou titubante, elle est la base, le creuset de cette chorégraphie.
Cette danse est construite sous la forme de cinq parties, cinq marches, cinq emplacements. Elle part de l’idée que chacune de ces parties a son caractère, sa figure et son costume. Ces dernières sont soutenues soit par un film, soit par des photographies fabriquées expressément pour cette création. Chaque partie possède son temps de marche et son temps de rencontre avec les images. Le battement entre cette marche et les propositions visuelles est à chaque fois décliné différemment.

La danse se place en jouant sur des accointances, dissonances avec le support visuel. Les images fixes ou en mouvement créent d’autres imaginaires et déplacent la chorégraphie dans sa vision et sa perception. Il s’agit de trouver pour ces cinq déplacements, d’autres errances et de multiplier les relations entre danse, image et musique. La présence d’Isabelle Lévy-Lehmann permet un échange sur ces notions de liberté et d’obsession et de porter cette chorégraphie vers une exterritorialité.

La musique de Lully « Marche pour la cérémonie des Turcs » est présente sous des enregistrements différents pour créer une obsession, une obligation d’être toujours au même endroit et pourtant de proposer des fenêtres, des portes vers d’autres libertés.
L’alternance entre danse, image, silence, musique, propose de construire des tensions et de décaler la structure. Le temps traversé cherche à traduire les relations intimes entre mes obsessions personnelles et mon écriture chorégraphique.
                                                                                                          
   Christine Gérard





Suite à la présentation de fin de résidence à Micadances 

Une ombre pénètre sur le plateau,  la mèche rebelle coincée sous la capuche d'un sweat un peu lâche, le pas alerte dans ses baskets. Cette silhouette échappée de la cité de l’asphalte n’est autre que la chorégraphe Christine Gérard qui va jouer à revêtir ces plus beaux atours pour épouser la marche de Lully dédiée aux turcs. Ses pas contemporains posés dans l’empreinte musicale du XVIIIème siècle créent le contraste, le paradoxe, le décalage d'une rencontre rendue possible mais inattendue. La danse et la musique réunies par une marche inlassablement répétée, inlassablement réinterprétée, inlassablement chorégraphiée. La sempiternelle cérémonie se décline en instruments, en vêtements enfilés, en images projetées,  en pas mesurés,  glissés,  sautés,  enchaînés. Un paysage dansé se profile en marchant. Une frise  se compose dans l'espace. La cérémonie des notes préside au parcours de l'interprète qui semble disposer ces pas comme des couverts sur le plateau, avec assurance mais aussi prudence, grâce et esprit. 

Le  découpage des séquences évoque le parcours quotidien d’une vie avec ses chutes et ses rebonds, ses déclins et ses énergies fulgurantes, ses emprises et ses abandons. 

La mise en espace jointe à la mise en images des photos d' Isabelle Lévy-Lehmann compose une fresque animée entrecoupée de vidéo accompagne au plus près  de la marche, l’enfouissement des pas ou leur déploiement. D’autres anonymes traversent les empreintes de mémoire de cette Traversée du temps qui s'impose comme une pièce manifeste racontant le récit d'une vie entrelacée d'enrobage de matière pure, de pas et de visages, de corps et de mouvements. 

La musique revient répétitive, cérémoniale ou pompeuse mais sert le propos de celle qui danse et cadence à l’infini. Une dédicace aux danseurs qui la suivent, à la couturière qui la sublime dans sa robe rouge. 

Le portrait ou l’autoportrait devient plus net au fur et à mesure que les notes s’égrainent puis s’effacent. La personnalité s'impose toute de velours, fait autorité tout en douceur, s’insinuant dans nos mémoires pour disparaître derrière le miroir de soi,  la figure de cire figée dans le réalisme onirique de la photographe. Derrière ce miroir sans tain demeure une âme d¹humaine, de résistante et d‘engagée volontaire du mouvement. Cette intrigante qui marche en dansant foule encore nos pensées bien après la fin de la pièce et nous accompagne, fascinante de justesse et de vérité.
                                                                                                                                                 E.Dubourg